[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Roh putain.
Mais c'est pas le moment là merde !
Je ne sais pas qui est-ce qui m'appelle maintenant, mais la sonnerie Samsung sonne directement aux oreilles et pas besoin de vous la chantonner pour que vous comprenez que c'est une grosse merde. Ça a la musique des magasins du centre commercial, le genre à ce que ça te reste dans la tête et qui te donne surtout envie de fuir. J'ai essayé de changer cette merde mais y avait que ça et ce téléphone est tout droit du 20ème siècle, alors aucun moyen de le changer. Fais chier.

Je ne devrais pas me focaliser sur la sonnerie, mais franchement, la personne m'appelle au mauvais moment. Je suis en train de rénover le sol là merde, je ne peux pas marcher sur ce parquet pour rejoindre le téléphone, sinon tout est à recommencer... Bon en même temps ça m'apprendra à l'avoir laissé à l'autre bout de la pièce. Je sais que très peu de personnes m'appellent sur mon téléphone portable... " Putain... ! " marmonnai-je dans ma barbe et je relâche tout, quitte à foutre le bordel à nouveau. Je prends le téléphone et regarde le numéro qui ne me dit rien. De toute façon, j'ai pas enregistré qui ce que ce soit. J'ouvre le clapet et le met à l'oreille. Je reconnais ta voix, je lève les yeux au ciel. Je balance d'une voix agacée, parce qu'en plus je suis de mauvais poil. Y a de quoi quand on se prend une poutre au réveil ! " T'as intérêt à avoir une putain de bonne raison pour que je décroche." On m'a planté en chemin. Silence...  Ok. Je ne sais pas comment tu t'es démerdé pour qu'on te plante en chemin... Surtout que tu m'avais dit que t'allais avec un pote. Apparemment ça n'a pas trop l'air d'être le cas. Je regarde devant moi et me retiens de sourire. Je passe la main dans la barbe pour m'aider à ne pas rire. La situation est sérieuse, il caille comme pas possible dehors et les chances de te retrouver frigorifié sont hautes. " Ok. Je t'écoute." fis-je tout calme d'un coup.

Eh ben merde... Apparemment, vais être seul dans la maison pour plus longtemps que prévu. Une heure et demie de route depuis Cap, c'est pas la porte à côté. Je sais pas en quoi je... Y'a moyen de venir me récupérer ? Ah. C'est ce genre d'aide que t'veux ? Merde. Je ne réponds pas, en train de faire les calculs... J'écoute à peine l'information sur les clefs et je sors de la pièce, me dirige vers les fenêtres pour regarder ton pick-up. Je t'ai déjà vu conduire, ça ne devrait pas être compliqué. Même si j'ai pas pensé à te parler du détail quant au fait que je n'ai pas conduis depuis vingt ans à peu près et qu'on m'a retiré le permis depuis (bon j'ai toujours les papiers ceci dit) ? Putain, sans le savoir, tu me mets dans la merde et j'ai pas envie de te planter. On dirait que je suis ton dernier recours et connaissant un peu la mentalité dans le Sud, ils vont pas t'ouvrir la porte et te donner du café. Au contraire, ils préféreront t'assommer avec leur pelle et t'enterrer dans de la terre.

La dernière fois que j'ai conduit, ça a fini par un gros accident. Ch'ais pas, j'ai l'impression de regarder le vide et je mets un peu du temps à me rendre compte que tu me parles un peu dans le vide. " Euh. Ouais, désolé. Ouais ouais. Je vais venir. En attendant, bouge pa... Enfin bouge un peu. Je sais d'expérience que si tu bouges pas, tu vas te les cailler. " Tu me répètes le nom de la ville et quelle route prendre, pendant que je me préparais, je clamais que je connaissais les routes comme ma poche et on s'était raccroché. Je ne m'inquiète pas trop pour la batterie de mon téléphone, je devrais plutôt m'inquiéter au tien...! Ces téléphones d'aujourd'hui ont une autonomie de merde à ce que j'ai entendu dire.

Je prends mon blouson, pas envie de le mettre maintenant, j'ai un peu trop chaud avec tous ces efforts de tout à l'heure. Je récupère les clefs et je monte dans ta bagnole. J'ai pris cinq minutes, assis devant le volant, avant de mettre le contact. Le temps de contrôler un peu les émotions qui m'envahissent, surtout mon rythme cardiaque qui s'emballe à l'idée de conduire. " Oh putain...! Allez." Pas le moment de se focaliser sur ça. Je mets le contact... C'est pas compliqué, faut que je l'avance sans lever le pied des pédales. Allez. C'est comme du vélo, c'est facile... Sauf qu'apparemment me suis planté de pédale et j'ai fait reculer la bagnole. J'entends un choc pas agréable et je grimace un peu avant de m'apercevoir que j'ai fait tomber des bois pour le feu. Merde. Le con. Après avoir arrangé la connerie et vérifié si j'ai rien capoté. Je sors prudemment la voiture de l'allée et commence à rouler, doucement. J'ai failli rouler au delà de la chaussée, mais à part cela, c'était bon. Je monte la vitesse dès que j'ai dépassé les limites de Cap et lâche un gros soupir, j'évacue toute la tension possible pour me détendre, à l'idée de voir que j'ai une route rien qu'à moi... Ou presque. Putain, je n'ai plus ce plaisir à devoir conduire.

[Une heure plus tard]

" Allez décroche... Fais pas le mort... " J'entends ta voix. Je soupire alors que j'ai la main sur le volant avant de me rendre compte que je suis tombé sur ton putain de répondeur " J'allais dire ravi de savoir que t'es toujours vivant mec. Bon, c'était ton répondeur... J'espère que tu t'es pas pris un coup de pelle ou autre emmerde entre temps. Dès que t'auras ce message. Tu me rappelles. Car j'ai besoin de ton aide. Suis paumé de chez paumé. Tu disais que t'es où déjà ? Je suis à Lodge là. J'ai dû m'éloigner du chemin, je ne sais pas où. Pas facile de trouver du réseau...Enfin, la dernière fois que j'ai vu le panneau, j'étais à Lodge."  Je me mets à parler tout seul avec le téléphone. Je crois que tu m'entendras monologuer pour la première fois depuis longtemps. Le stress joue beaucoup. " J'aurai dû prendre la carte, mais comme un con, je me suis dit que je connais bien le Sud comme ma poche, mais j'ai pas capté que j'ai pas visité tout l'Ouest et fallait que tu te trouves dans un coin vraiment paumé. J'ai demandé à un fermier, mais il m'a envoyé baladé. Ce coin ne m'a pas manqué. Mais j'sais que je suis pas loin. " Puis voilà qu'il y a un bruit assez pénible et que je déteste, qu'on reconnaitrait bien entre mille. Celle de la voiture de police. " Merde. J'ai dû rouler trop vite. Sam. Suis dans la merde. J'ai plus mon permis avec moi, on me l'a retiré. Longue histoire, je te la raconterai si je ne me fais pas embarquer. " Je ralentis la voiture pour me garer sur le côté. J'ai laissé le téléphone sur les jambes entre temps. " Merdemerdemerde. Le con."marmonnai-je tout en faisant descendre la vitre, alors qu'un policier vient vers moi. Monsieur, savez-vous à combien vous rouliez ?"Non, j'étais au téléphone évidemment."dis-je le plus spontanément possible avant de voir l'expression déstabilisé du mec Vos papiers."Quoi ? J'ai dit une connerie ?" On n'a pas le droit de téléphoner au volant."Depuis quand cette règle de merde existe ?"Depuis 2005."Pfff. Bon Sam, je reviens... Je serai un peu en retard, mais j'arrive bientôt. Rappelle-moi."Je ferme le téléphone.

Je passe une bonne demie-heure avec ce policier, à le convaincre de ne pas sortir ma carte et les papiers de voiture. L'avantage d'avoir été en prison, c'est qu'on devient bon à convaincre, on est bon pour mentir aussi. Je l'ai échappée belle et de justesse, parce qu'un moment donné où il était prêt à s'énerver. Putain, je déteste l'autorité et je pensais pas qu'il y aurait un agent qui surveillait cette route-là. Maintenant que je suis tranquille et à peine que je reprends la route, tout en veillant que je ne suis pas surveillé, mon téléphone sonne à nouveau et ton numéro apparaît. " Yep ? Alors, t'es où ducon ?" soupirai-je assez blasé et énervé. Je te raconterai plus tard l'entretien avec le flic. Je regarde le tableau de bord en même que je te parle.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Où veux-tu que je sois vieille bique !

A ta réplique, je souris comme un con et je lève à peine les yeux au ciel dans un regard qui se voulait blasé. " Ch'ais pas, dans le cul d'une mémère du coin ? te répliquai-je. Je soupire et te décris où je suis, avant de te demander d'attendre un peu, que je trouve déjà au moins un petit village, ville avec un panneau de direction. Il nous a fallu encore une bonne demie-heure pour que je te retrouve et que je me gare enfin dans la bonne ville. Je te vois au loin avec la clope au bec, en train de me rejoindre comme si t'étais content de voir ta caisse intacte ! Y a de quoi, j'ai cru que j'allais la démolir, sachant que j'ai presque défoncé le phare arrière en cognant contre les bûches tout à l'heure. J'ai à peine eu le temps de couper le contact que tu toques pour que je t'ouvre la vitre. Chose que je fais de suite.

Je te fais un doigt d'honneur, sans daigner de te regarder, pendant que tu te fous littéralement de ma gueule alors que tu joues un comportement de je ne sais pas quoi. Je sais que personne n'oserait faire ça : conduire sans avoir un permis de conduire sur soit et qui téléphone au volant. " Pour ma défense, j'savais pas que c'était interdit de téléphoner en conduisant. " Je soupire et te passe les clefs de voiture, que je n'y touche plus maintenant. " Même pas, juste un petit avertissement. J'me suis démerdé pour jouer un père qui grille la limite de vitesse pour aller voir sa fille qui a eu un gros accident de cheval. J'ai joué avec le coeur sensible du flic, ça a très bien marché. T'peux te décaler ? J'ai besoin de marcher et fumer et surtout bouffer, j'ai pas pris de quoi se grailler.

Tu te décales pour que je sorte, j'ai laissé la vitre ouverte, mais j'pense pas qu'il y aurait qui ce que ce soit qui voudrait voler ton pick-up. De toute façon, on l'a à l'oeil. J'entre dans la petite supérette pour nous chercher de quoi manger pendant le voyage du retour. " Putain, même dans la supérette ça caille de ouf...! " fis-je en resserrant un peu les pans de mon blouson contre moi et je soupire. J'allume la cigarette, tout en m'en foutant l'interdiction de fumer à l'intérieur. On prend de quoi bouffer et boire et quand on passe à la caisse... Y a déjà un vendeur qui me fait chier. " Interdit de fumer à l'intérieur." " J'avais zappé. 'Fin, on va payer et on dégage." "Je refuse." " Refuse quoi ?" " De faire le compte des articles tant que vous fumez. Eteignez la cigarette ou dégagez." Je soupire et je te regarde avec un air blasé. Je retire la cigarette de la bouche et récupère les articles mine de rien pour aller sortir avec. " Monsieur! Vous n'avez pas le droit de sortir sans payer !" " Bah écoute mon mec, t'veux pas faire le compte, je choisis de dégager et t'veux pas nous faire payer, c'est nous offrir tout ça non ? Merci bien." Il lève les bras dans un signe de défaite, il s'énerve assez vite. " Ok ok ok ! Ramenez moi tout ça. Je vais faire le compte et vous dégagez, que je ne revois plus vos têtes. " Parce qu'elles te font complexer ?" Je te lance un petit regard et j'arrive à peine à cacher mon amusement de ma réplique alors que j'suis sûr que le vendeur nous lance carrément un regard noir. Je te laisse payer et on dégage de là. Le best ? J'ai pu garder la cigarette allumée pendant tout ce temps là. Il aurait très bien pu sortir l'arme quand j'y pense et je soupire de soulagement à ce moment là. Ok, prochaine fois, j'évite de faire le con, mais j'avais besoin de fumer la cigarette, ça pouvait pas attendre. Faudrait vraiment que je bosse sur mon comportement avec les gens, mais franchement, ils me donnent tellement pas envie de faire des efforts. " Ne me laisse plus jamais conduire ton pick-up, sauf cas exceptionnel comme celui-ci. Comment tu t'es démerdé pour te retrouver sur la route, au milieu de nulle part ? te demandai-je alors qu'on rejoignait ta bagnole. Je reste encore un peu dehors pour prendre l'air et aussi pour marcher un peu, parce que merde, assis pendant plus de deux heures, ma douleur au cul commence à se faire sentir quoi.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Traumatisme.
Ouais, c'est exactement ça ce dont tu me parles: un putain de traumatisme. T'fais une erreur en route et tu te ramasses vingt ans en prison. Franchement, y a pas... Ok, on chipote, j'en ai eu pour dix ans, mais voilà. Le traumatisme reste pareil et là j'ai failli me faire embarquer parce que j'ignorai qu'il y avait une loi contre l'utilisation des téléphones portables en conduite ! J'aurai dû m'informer, mais je n'avais pas eu le temps et puis franchement, si on fait gaffe, tout va bien. Cela n'empêche pas le fait que je repense toujours à la dernière fois que j'ai conduis et comment c'est parti en vrille. ça a pris des dimensions immensurables et voilà où je me retrouve : même pas marié, perdu vingt ans de ma vie, jamais vu ma gosse et SDF. Franchement, c'est trop une grosse merde et toi, t'as juste débarqué dans ma vie et tu m'as permis de remonter un peu la pente, de prendre un peu plus de confort dans un vrai lit, dans une maison toute chaude. Tu m'as permis de passer mes journées autrement en faisant des travaux pour ta pièce. Bon, je ne te l'ai pas dit, mais je sais que dans le fond tu le soupçonnes et tu ne dis quand même rien, je fais exprès pour traîner un peu. Le temps que je me trouve un autre boulot, où m'héberger surtout. Vais pas non plus vivre chez toi quoi, même si vivre dans les rues, c'est pas idéal. Mais après avoir goûté à un tel confort, je n'ai plus envie de retourner vivre dans le froid, sachant que l'hiver dernier, j'ai failli y passer...!

T'as pu expérimenter un peu le fait de passer la moitié de la journée dehors dans le froid. Je ne t'imagine pas passer la nuit, je ne suis pas sûr que tu l'ai déjà fait auparavant. Ptête que si, en dormant à la belle étoile avec des tentes, mais ça, c'est pas pareil. M'enfin. Ca n'empêche pas le fait que je me pose une question plus importante : comment tu t'es démerdé pour te retrouver dehors, dans le froid, dans le sud avec ces gens assez cons et constipés ? Je me suis toujours demandé ça pendant tout le voyage.

Je remarque que j'ai fini ma cigarette, je soupire et en ressors une autre. Je n'hésite pas à te prendre le briquet de tes mains sans dire un mot et te la rends après l'avoir allumée. On continue de marcher, enfin moi je continue de marcher, j'ai passé plus de deux heures assis et j'suis pas fait pour ça, je me démerde toujours pour me dégourdir les jambes moi.

Je t'écoute attentivement comment tu t'es retrouvé dans cette situation-là et te regarde quand tu me racontes comment ton pote a annoncé qu'il a des vues sur ta môme. Bah putain mec... D'où est-ce que tu t'es trouvé ce gars et comment il est devenu ton ami si c'est le genre de mec que tu supportes pas ? Ceci dit, il me fait le même coup à ma fille, moi je lui demande d'arrêter la voiture, on sort et je le cogne. Puis je le laisse repartir. Rien à foutre si je le barre de ma liste d'amis. Bon ok, c'est peut-être extrême, mais j'en sais rien moi, je réagis toujours au quart de tour, mais quand ça concerne quelqu'un que j'aime beaucoup (même si je ne l'ai jamais vue), j'ai rien et personne pour me retenir. Je te comprends dans ce sens-là, bien que je ne dis rien par rapport à Harley. Pas la peine de te dire que j'ai une fille quelque part dans la ville, je ne te fais pas totalement confiance dans le sens où tu pourrais être ce pote à Beny. Tu t'énerves un peu sur le fait que ton pote s'est lâché par rapport à ta fille et que tu vas pas laisser passer ça, ce qui me soulage un peu parce que je te trouvais un peu trop gentil en quittant la voiture sans rien lui faire. Je soupire et hausse les sourcils en même temps que je ralentis la marche.

" J'aurai grave pas eu la même réaction que toi man. Je l'aurai cogné tout de suite... Enfin... Après lui avoir demandé de s'arrêter au bord de la chaussée. Parce que si c'était ma môme, on ne devrait pas lui manquer de respect devant moi, même si c'est une façon conne de dire qu'elle est canon. Les filles, on les respecte d'abord. " Ou pas, ça dépend des connes des fois, mais en général faut les respecter. J'ai bien appris ma leçon jeune et la cicatrice discrète à mon visage dit tout. Franchement, ça, c'est quand même con ce qui s'est passé quand j'y repense. " Tu devrais lui mettre la main ouais et assure-toi vraiment qu'il ne s'approche pas de Max, parce que si je suis sa logique de merde et que si jamais c'est plus ton pote, il aura aucune raison de se réfréner. Je pourrai t'aider, j'ai le don d'ajouter un peu plus de pression rien que par ma présence..." Je secoue la tête à l'idée que ce genre de personne existe, encore, j'ai vraiment connu pire. Pendant vingt ans, j'ai toujours entendu des conneries dans le genre où ils pourraient bien se faire des jeunettes de dix ans. Cette pensée-là m'a tout de suite rendu silencieux et je ne sais pas si tu es en train de me parler, mais je ne t'écoute plus vraiment maintenant. " Y a jamais eu de respect pour les femmes, mais là, ça s'est empiré ces derniers jours. Ça craint grave mec. marmonnai-je un peu vaguement, le regard dans le vide.