[OZZY] Yeah, I probably got a couple of screws up in my head loose

Yeah, I probably got a couple of screws up in my head loose

Cela lui refile un sacré coup quand Andrés apprend que madame Berfield est morte d’un accident de voiture. Non pas qu’il vouait un attachement particulier à cette quarantenaire, mais il y a moins de deux jours, Andrés lui a volé de son sac un vinyle d’un album de The Clash, juste après qu’elle l’a acheté au disquaire de Woodbrige avenue. Andrés est un peu superstitieux, et très croyant. Il sait que ça peut lui causer beaucoup de malheur dans sa vie, et dans l’après-vie, s’il a des litiges non réglés de son vivant. Quand il raconte ça à Lucas avec ses grands yeux de chaton effrayé, son frère lui rappelle que ce n’est pas trop tard pour rendre le vinyle. Il est gentil Lucas, il se donne la peine de le réconforter alors qu'il est aussi incertain de l'existence de Dieu que Andrés est incertain de l'existence d'un cerveau dans le crâne de Trump.

Andy appelle la sœur de madame Berfield et lui présente ses condoléances. Il dit qu’il veut être là à l’enterrement et demande quand celui-ci aura lieu, sauf que Fiona lui fait savoir que le corps de sa soeur va être rapatrié dans son pays d’origine pour l’enterrement : l’Angleterre. Quelle drôle d’idée ! C’est bien la preuve que Madame Berfield est le genre à vous faire chier même après sa mort, ça doit couter super cher à sa famille, un rapatriement. En tout cas, Andrés, ça lui fout les boules. A tous les coups c’est Deborah qui lui a refilé sa poisse. Le garçon aurait préféré qu’elle lui transmette une tuberculose, là au moins on connait le traitement. Et en fait, Deborah a tellement de poisse qu’elle pourrait attraper la tuberculose en se mouchant le nez, ou le choléra en regardant un avion voler. Le garçon se creuse la tête. Tally Berfield va être rapatriée. Ça veut dire qu’elle ne l’est pas encore et qu’elle est à Cap Harbor en attendant, sans doute à la morgue. Andrés ne s’y connaît pas, mais il est suffisamment dégourdi pour se douter qu’elle va subir quelques traitements pour pas qu’elle arrive en décomposition et toute chlinguante à son enterrement. C’est important d’être beau à son enterrement, Andrés trouve. C’est même plus important d’être beau à son enterrement que de l’être à son mariage, car on peut se marier plusieurs fois de nos jours. La mort, ça c’est un one-shot.

Andrés se dit que c’est peut-être son jour de chance. Il prend son vélo et se rend à la morgue. La porte principale est ouverte. Andy descend des escaliers, il reste ensuite tapi contre le mur du couloir, un peu recroquevillé. Il y a une autre porte entrouverte, et quelqu’un qui travaille à l’intérieur. Andrés le voit bien car l’homme est dans la lumière, alors que lui-même est plongé dans l’ombre. Il se dit qu’il faut être patient, même s’il fait approximativement 0 degré. L’adolescent aurait dû prendre un sweat un peu plus lourd. L’homme va forcément sortir à un moment donné quand les besoins naturels se feront ressentir, n’importe lesquels. Andy poireaute un certain temps. Finalement, l’homme place une cigarette entre ses lèvres. Parfait ! Andrés se cache dans un recoin. Dès que l’employé est sorti le garçon entre dans la salle principale. Il y a un corps sur une table d’autopsie mais c’est un monsieur. Andrés se dirige vers les grands casiers. Des noms sont étiquetés. C’est étrange de se dire qu’il y a des gens qui rangent d’autres gens comme Andrés range ses classeurs. Il parcourt les étiquettes du regard et trouve celle de Tally Berfield. Andrés l’ouvre et écarquille les yeux parce qu’il ne s’attendait pas à tomber directement sur la tête endormie et blafarde de celle-ci.

"Bonjour madame" bredouille t-il. Elle l’entend forcément de là-haut. A l’heure qu’il est, Tally doit être dans la salle d’attente de son jugement. "je suis venu rendre le CD que je vous ai emprunté sans permission…"

Il pose l'album à l’aveuglette dans le casier, qui doit atterrir au niveau du sternum, et le referme. C’est glauque de voir les morts. Positivement glauque. Andrés sursaute en entendant des bruits de pas dans les escaliers. L’employé est de retour. Le garçon ouvre un casier du bas sans étiquette, vide, et se glisse à l’intérieur. Il le referme en attrapant le haut du casier et en tirant d’un coup, suffisamment fort pour le faire rouler tout du long. Il laisse passer cinq minutes. Qu’est-ce qu’on est à l’étroit dans ce truc ! De toute façon, si Andrés s’est planqué, ce n’est pas parce qu’il a peur qu’on le gronde ou qu’on appelle la police, ça il s’en fiche. C’est surtout pour faire une mauvaise blague. Il toque sur le plafond pour attirer l’attention de l’homme. Un rictus malin étire ses lèvres quand il entend qu’il y est parvenu. Il toque à nouveau. Les pas de l’homme se rapprochent alors. Andrés se dit qu’il est sacrément courageux. Lui, à sa place, il aurait fui en hurlant comme une fille de quatre ans. Bon, peut-être pas quand même, mais en tout cas, il serait déjà plus là, ça c’est clair.

Le casier s’ouvre finalement et le regard d’Andrés tombe sur de grands yeux bleus et un visage à l’envers.

"T’as eu peur avoue", marmonne le garçon. Il se redresse. "On dirait pas comme ça, mais je suis pas venu causer des ennuis… en fait, j’aurais besoin de ton aide."

Andrés lui envoie son regard de petit chaton à qui on ne peut pas dire non, sauf si on s’appelle Satan.

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Nombreux sont ceux qui trouvent son métier trop étrange que pour qu'il puisse l'avoir choisi délibérément. Passer sa journée à donner un make over à des cadavres, c'est quand même pas banal comme passe-temps. Et pourtant, ça ne lui a jamais posé de problème, à Ozzy. Au contraire, il a même fini par devenir chaque jour presque impatient à l'idée de rencontrer un nouveau visage figé. Eux au moins, ils n'ont pas ce défaut de parler trop pour ne rien dire. Ils sont calmes, des individus charmants selon Ozzy. Et puis, il y a un coté fascinant dans l'observation d'un corps qui ne vit plus. Il peut aisément deviner quel genre de personne a été, dans son vivant, l'individu couché sur la table face à lui . Il lui suffit de regarder ses vêtements, de fouiller ses poches, d'observer quelles chaussures il porte. Mr. Addams, par exemple, porte une paire de baskets sous son costume trois pièces. Pauvre homme. Alors que son médecin lui avait conseillé de faire du sport entre deux rendez-vous pour se débarrasser de son obésité, il avait fallu que son coeur lâche à mi-chemin entre le bureau et le parc où il comptait s'entraîner. « Morale de l'histoire, même le sport peut vous tuer, » marmonne Ozzy pour lui-même avant d'enfiler une paire de gants en plastique. Il suit le protocole, lave l'énorme Mr. Addams, jette dans la poubelle ses vêtements remplis de sueur et devenus trop petits pour lui. Après avoir recouvert son corps d'un drap blanc, Ozzy se penche au-dessus de son visage. « Au point où on en est, je suppose que vous ne serez pas dérangé si je vous met un doigt dans la bouche. » Hors contexte, la phrase qu'il vient de prononcer pourrait sincèrement porter à confusion. Sauf que clairement, il ne s'est pas levé ce matin en se disant qu'il ferait bien du rentre-dedans à un cadavre d'obèse couché à moitié à poil sur une table en métal. Comme Addams ne proteste pas, Ozzy soulève sa lèvre et inspecte l'intérieur de sa bouche. Il pourrait presque donner l'impression d'être un véritable médecin légiste si on ne prenait pas le temps de savoir ce qu'il faisait vraiment, à savoir vérifier qu'aucune dent ne pourrait tomber pendant les visites au salon funéraire. Après avoir joué au dentiste, Ozzy se recule et s'empresse de retirer ses gants. Il meurt d'envie d'une cigarette là, tout de suite, mais n'est pas autorisé à fumer au-dessus de la tête des clients. « Pas bouger, » ordonne-t-il à Addams avant de sortir une clope de son paquet et de la caler entre ses lèvres. Il quitte la pièce, monte les escaliers, et va respirer l'air du monde extérieur le temps de quelques bouffées de nicotine.

Quelques minutes s'écoulent pendant qu'Ozzy fume sa précieuse cigarette. En tant que fumeur compulsif, il a toujours eu cette mauvaise habitude de les consumer plus vite que son ombre. Après avoir jeté son mégot dans la poubelle située à la sortie du bâtiment, il plonge ses mains dans les poches de son pantalon et retourne en direction de sa salle à lui. Addams n'a pas bougé, toujours étalé sur la table avec seulement son drap pour recouvrir son corps dénudé. Alors qu'Ozzy s'apprête à camoufler les plaies dues à sa chute à l'aide d'une couche de fond de teint, un bruit venant des tiroirs où sont entreposés les cadavres attire son attention. Dans un premier temps, il se dit qu'il a dû rêver. Il n'y a personne ici à part lui, aucun autre être normalement composé psychologiquement est capable de se sentir à l'aise dans cet endroit froid et à l'odeur de formol. Sauf que le bruit recommence et lui fait lâcher ses ustensiles. Lui auraient-ils amené un type encore vivant ? Sans penser à un possible danger imminent, Ozzy s'avance vers les casiers avant de s'accroupir pour ouvrir celui d'où vient le bruit. Quand il voit ce gamin face à lui, la tête à l'envers, jouant au mort-vivant, il se contente dans un premier temps de froncer les sourcils. « C'est toi qui devrais avoir peur, imagine si je t'enfermais là-dedans. » Un rictus vient étirer le coin de ses lèvres avant qu'il ne recule d'un pas pour laisser le garçon descendre. Qu'est-ce qu'il fiche ici, celui-là ? Il a pas mieux à faire que de traîner dans une pièce remplie de morts ? Alors qu'il s'apprête à le chasser, la requête du garçon suffit cependant à attiser sa curiosité. « Mon aide ? » répète-t-il avant de croiser ses bras contre son torse. « Dis toujours, je t'écoute. » Même si Ozzy ne voit clairement pas en quoi il pourrait aider ce gamin, sauf si il a besoin d'aide pour camoufler le corps de quelqu'un qu'il aurait tué sans faire exprès. Tu regardes trop de films, Oz.

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"C'est toi qui devrais avoir peur, imagine si je t'enfermais là-dedans"

Andrés est tout d’un coup un peu intimidé par lui, même s’il s’en cache bien. L’observant avec de grands yeux de petit ange contrarié, il balance une réplique citron-pressé-sans-sucre avec une voix d’enfant crédule:

"Je te le déconseille Mr. Hyde. On me retrouverait rapidement : mon père a un radar à psychopathe"

On passe le nombre de cinglés de Wilde pour venger le chenapan, qui ne méritait guère tant d’amour. Déjà qu’ils ruinaient la vie d’un pauvre gars juste parce que le gosse leur avait menti à son sujet... Le monsieur croise les bras sur sa poitrine, c’est le signe qu’il est un peu récalcitrant. Ce doit être la curiosité qui le pousse à s’informer sur ce que veut le garçon.

"Dis toujours, je t'écoute"

Encouragé, Andrés bondit souplement hors de sa cachette. Une fois debout, il se rend compte que l’homme à qui il s’adresse est super grand. Ou alors c’est surtout lui qui ne l’est pas assez avec son mètre soixante-huit. Andrés a encore du temps pour grandir. Il espère qu’il atteindra la taille de son grand frère Lucas plus tard.

"Je ne sais pas qui prépare le cercueil de Madame Berfield" qu’il dit en désignant de l’index là où est logée la défunte. "Mais est-ce que tu peux y placer aussi son vinyle des Clash ? Je l’ai mis dans son…" Il ne connaît pas le terme de ce rangement à morts "placard" achève t-il bien qu’il mime avec sa main un tiroir qu’on referme. Parce que c’était un peu ça tout compte fait, ces casier à mort : des tiroirs. "Bref, ne le jette pas s’il-te-plait. Ce serait bien qu’elle soit enterrée avec, comme ça j’ai pas de litiges avec les morts… déjà que j’en ai beaucoup avec les vivants" qu’il se plaint. Andrés marque une pause. "... j’suppose que ça sera pas gratuit, mais j’ai de quoi payer" promet-il sans honte. Il est prêt à chiper de l’argent à son père, comme d'habitude.

Andrés se dit qu’il a fait beaucoup pour se rattraper jusque là, il espère qu’un ange avertira madame Berfield et qu’elle aura un peu d’indulgence pour lui, de là-haut. Si elle pouvait éviter de le hanter plus de trois cauchemars dans la nuit, ça serait sympa. Andrés glisse les mains dans ses poches et observe pour la première fois ce qu’il y a autour de lui avec attention. Son regard curieux toise l’homme allongé sur la table de travail. Vu le poids, il avait dû claquer d’un diabète ou d’une bêtise affiliée.

"Oh mais je le connais lui !" s’étonne t-il alors avec de grands yeux tandis qu’il reconnaît monsieur Addams.

Ce n’était pas l’homme le plus aimable de Cap Harbor, alors qu’il aurait dû : il n'avait donc rien pour lui. Andrés ne saurait que trop vous conseiller d’être beau et mince si vous tenez à vous comporter en trou du cul. Il n’est pas désolé, il n’est pas triste, ça lui fait juste bizarre de voir monsieur Addams comme ça, tout au plus. Quand Andrés n’apprécie pas quelqu’un, lui non plus ne vaut pas plus qu’un psychopathe. Il y a comme un vide en lui. Un vide inquiétant.

"Va falloir un siècle de paquet de vers pour venir à bout de ce gros morceau", qu’il raille, désinvolte, en faisant quelques pas vers lui.

Il fait comme chez lui, Andrés. Il a un air un peu candide sur le visage, fasciné de voir la mort de près. Ça jure avec le cynisme qui transpire par tous les pores de ses mots.

"C’est pas que je me réjouis qu’il soit mort, mais j’suis satisfait de constater la fermeture officielle de la benne à ordure pleine de dents qui lui sert de bouche" Andrés tourne alors un visage curieux vers l’homme qui travaille ici. "Tu l’as découpé, dis ? Vu le bœuf que c’est, j’suppose qu’une formation de boucher fut préalablement nécessaire"

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Paraît qu'un gamin est beaucoup plus sensible aux mots qu'il entend par rapport à un adulte, qu'il pourrait plus facilement être traumatisé si on ne prend pas de gant avec lui. Sauf qu'Ozzy, il a pas l'habitude de discuter avec un enfant, surtout pas sur son lieu de travail. Même si ça le dérange dans un premier temps de voir qu'il n'est pas seul, il finit par se rendre compte du courage que doit avoir le petit pour oser se cacher dans un des tiroirs entre deux cadavres. Puis la remarque qu'il lâche suffit à lui tirer un nouveau sourire, alors autant en finir immédiatement avec la carte du psychopathe qui découpe adultes et enfants juste pour le plaisir. « C'est bon, je te relâcherai quand tu m'auras dit ce que tu fais là. » Vient la requête, une demande bizarre qu'on ne lui a encore jamais faite. Si Ozzy comprend bien, le môme a eu le temps de se faufiler à l'intérieur pendant qu'il avait le dos tourné et a réussi à trouver le tiroir de la dame dont il s'est occupé plus tôt dans la journée. La vache, ce gamin devait être sacrément déterminé. Tout en suivant le lieu qu'il désigne au bout de son index, Oz' hoche la tête en gardant ses bras croisés contre son torse. Un vinyle des Clash, ça mérite bien qu'il prenne la demande du petit au sérieux. Si ça avait été quelque chose comme une carte d'au revoir ou un collier de pâtes, sûrement qu'il aurait fait semblant de s'en occuper avant de le jeter dans les ordures. Quand il sous-entend avoir déjà assez de mal avec les vivants que pour s'attirer des ennuis avec les morts, ça fait rire Ozzy qui n'a jamais vraiment cru à ces histoires de fantômes venant hanter le monde des mortels. « Si tu te faufiles à tout bout de champ dans les bureaux des gens, je peux comprendre que tu t'attires des emmerdes. » Il regarde le gamin, hausse un sourcil, puis finit par faire tomber ses bras le long de son corps. « Mais je suis d'accord, je ferai en sorte qu'elle garde son vinyle. Tu lui avais piqué ? » demande-t-il ensuite, plus par envie de voir sa réaction plutôt que de le juger pour un acte qu'il a probablement déjà lui-même commis étant gamin. « Je vais pas te faire payer pour ça, garde ton argent de poche. » C'est qu'il peut faire preuve d'élan de générosité par moments, aussi rares soient-ils. Le gamin s'extirpe enfin de la cabine où il s'était caché et s'avance sans gêne jusqu'au corps sur lequel travaillait Ozzy. Est-ce que voir un cadavre peut suffire à traumatiser un gosse ? Va-t-il se faire poursuivre par son père et son radar à psychopathe pour ne pas avoir couvert plus Mr. Addams ? L'exclamation du plus jeune surprend Oz' qui s'en va le rejoindre, posant son regard sur le visage pâle du gros monsieur. Encore une fois, il arrive à l'amuser avec une remarque qui le surprend, le genre de phrase qui prouve qu'il n'est en aucun cas traumatisé par la vue d'un mort. « T'imagines pas le nombre d'années qu'il va passer sous terre, à moitié mangé, avant de devenir un semblant de squelette. Plus t'es gros, plus t'as une mort dégueulasse, » ajoute-t-il en se tournant vers le gamin comme si il lui faisait une sorte de prévention contre l'abus de sucreries et de trucs gras. Alors que le brunet lui demande si il l'a déjà découpé, Ozzy hausse un sourcil. Décidément, il n'arrêtera jamais de l'étonner, celui-là. « Je suis pas vraiment supposé le faire sauf si ils ont des trucs coincés à l'intérieur, tu m'as pris pour Dexter ? » Peut-être qu'il ne saisira pas la référence, la série est quand même pas mal glauque pour un ado de son âge. Mais rapidement, un nouveau sourire vient étirer ses lèvres. « Mais on peut dire qu'il s'est écrasé contre une branche dans sa chute. Tu veux essayer ? » Il s'empare de sa boîte de gants en plastique et la tend vers le gamin. Vaut mieux éviter qu'il se retrouve avec du jus de cadavre sur les doigts, l'odeur reste pendant sacrément longtemps.

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"Si tu te faufiles à tout bout de champ dans les bureaux des gens, je peux comprendre que tu t'attires des emmerdes."

"On est dans le pays de la liberté. En quoi suis-je libre si je ne peux pas me balader où je veux, d'autant plus quand les portes me sont ouvertes ?"

"Mais je suis d'accord, je ferai en sorte qu'elle garde son vinyle" "Cool ! Merci !" répond Andrés avec un regard de chaton ébloui. "Tu lui avais piqué ?" "C'était plutôt un emprunt à durée indéterminée et sans permission. La preuve, je suis venu le lui rendre" qu'il répond avec un petit sourire angélique.

Il est d'autant plus surpris que l'autre ne demande rien en échange. Andy, dès qu'il y a à gratter, même s'il n'a besoin de rien, il gratte quand même. D'ailleurs, il garde un moment de pause pour attendre un "non je déconne, ça sera cent balles". Écarquillant les yeux de stupeur en constatant que ça ne vient pas, Andrés lui sourit ensuite timidement avant de se libérer.

Il s'intéresse au cadavre de monsieur Addams en faisant preuve du même détachement nécessaire à quelqu'un qui fait le boulot de légiste —ou de thanatopracteur. Celui présent n'est pas seulement détaché, il est tout aussi cynique que Andrés en fait.

"T'imagines pas le nombre d'années qu'il va passer sous terre, à moitié mangé, avant de devenir un semblant de squelette. Plus t'es gros, plus t'as une mort dégueulasse"

"Je me demande s'il existe un documentaire montrant le phénomène en accéléré" répond Andrés avec intérêt.

Ce serait tellement plus intéressant que ces fichus documentaire sur les baleines bleues, même s'il arrive au garçon d'en regarder, puisqu'il est quand même un peu curieux sur tout.

"Je suis pas vraiment supposé le faire sauf si ils ont des trucs coincés à l'intérieur, tu m'as pris pour Dexter ?"

Andrés relève un regard intéresse vers l'homme. La référence l'émeut presque.

"C'est ma série préférée" commente t'il avec un ton sympathique, comme s'il est en train de faire un compliment, chose qui est rare. Il incline légèrement la tête sur le côté. "T'es pas légiste ?"

Andrés sait beaucoup de choses mais il ne connaît pas le métier de cet homme. Tout du moins, il ne saurait pas le nommer. Il s'est cependant toujours douté qu'il y a bien quelqu'un qui rend les morts présentables et que ce n'est pas le médecin légiste, du haut de son pédantisme, qui se donnerait cette peine.

"Mais on peut dire qu'il s'est écrasé contre une branche dans sa chute. Tu veux essayer ?" "Oh ouais, et comment ! Génial !" s'exclame aussitôt Andrés, qui n'en revient pas de l'opportunité.

Aucune morale cet employé, on dirait Seth ! Andrés tire un gant, puis un autre qu'il cale entre ses dents tandis qu'il enfile le premier. Il enfile ensuite le deuxième. Une fois prêt, il tend la main vers le jeune homme en mimant le sérieux d'un médecin tandis qu'il réclame d'un ton professionnel :

"Scalpel" Il a un petit rictus en coin amusé. "Tu t'appelles comment au fait ? Moi c'est Andrés"

Il se demande si l'employé va vraiment le laisser découper le cadavre. La curiosité sur la sensation de la peau qui se fend sous la lame est sans doute très malsaine. Andrés ne se rend pas compte. Il regarde son interlocuteur avec intérêt. Il a des traits juvénile malgré son âge. Andy espère qu'il aura le même genre de bouille plus tard. Il craint de ne plus être mignon en grandissant. Comment pourrait-il manipuler son entourage sans ça ?

"Dis, je trouve que tu as la tête de quelqu'un qui obtient facilement ce qu'il veut des autres. C'est le cas ?"

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On lui dit souvent qu'il a l'air froid au premier abord, un type au tain blafard et au regard de serial killer. Pourtant, quand on s'attarde un moment, il est loin d'être méchant Ozzy. La preuve, si il le voulait, il aurait très bien pu dégager ce gamin à grands coups de pied aux fesses plutôt que de l'écouter lui parler de cette prof à laquelle il aimerait rendre quelque chose qu'il lui a "emprunté". D'ailleurs, sa répartie arrive à lui tirer un sourire amusé. C'est bon, il l'a adopté, plus question de sortir les regards noirs et les marmonnements entre ses dents. « Mouais, t'as de la chance que ta prof sois plus trop en état pour donner sa version des faits. » En soit, ce n'est pas vraiment interdit de faire enterrer quelqu'un avec un objet. Les gens le font tout le temps, que ce soit avec un album de photos de famille ou un bijou particulier, un animal en peluche, tout ce qu'ils jugent appartenir au défunt. S'il le pouvait, Oz' demanderait bien à être incinéré avec son piano, quoi que pour ça il doute que ce soit vraiment autorisé. Du coup, il se voit encore moins demander de l'argent au gamin en échange de ses services, ce n'est pas comme si il y avait quelqu'un pour le surveiller dès qu'il fait un geste s'écartant de ses fonctions habituelles. Ils viennent à parler cadavres, une conversation qu'il n'aurait jamais cru avoir avec un gamin de son âge. Quoi qu'en réalité, ce n'est pas le genre de conversation qu'il s'attend à avoir avec qui que ce soit, enfants comme adultes. En règle générale, ça dégoûte plus que ça n'intrigue et les personnes normales préfèrent changer de sujet plutôt que de s'étendre en long et en large sur son boulot. « Ce serait hyper cool, » souffle Ozzy en pensant au documentaire. Il a toujours aimé ce qui touche au glauque, macabre, ce n'est pas pour rien qu'il se retrouve ici. Après avoir ému Ozzy en annonçant que Dexter est sa série préférée -ça leur fait un point commun, si ça c'est pas touchant-, le garçon lui rappelle que ses rêves de légiste lui ont filé sous le nez quand il a décidé de plaquer l'Université du jour au lendemain. Une tragédie pour Ackerman, même si personne ne l'a poussé et qu'il s'est lancé dans le gouffre tout seul. « Nope, juste un simple thanatopracteur. C'est comme un médecin légiste, mais en moins cool. » Au lieu de sortir des foies pour les peser, il repoudre le nez à des types trop blancs que pour être présentés directement. Sauf que vu qu'il est tout seul et que personne ne pense à soulever les vêtements des morts histoire de vérifier qu'il a bien fait son job, ça lui arrive de faire quelques écarts comme il s'apprête à le faire pour impressionner le gamin. Face à son enthousiasme, Ozzy ne peut s'empêcher de sourire fièrement et commence à préparer le matériel nécessaire à une opération surprise pendant que son acolyte se débat avec une paire de gants en plastique. Pour jouer le jeu, il lui tend le scalpel sans penser un seul instant comme à quel point ça peut être dangereux de laisser un enfant jouer avec des outils aussi tranchants. À son âge, ça l'aurait bien fait marrer de pouvoir se la jouer docteur pour de vrai. « Ozzy, » se présente-t-il au dénommé Andrés avant d'enfiler lui-même des gants pour ensuite retirer une partie du drap qui couvrait le corps de Mr. Addams. Il s'empare d'une bouteille de désinfectant, d'un coton, et nettoie avec précaution le flanc de l'homme sous le regard curieux d'Andrés. « Hum, ça dépend avec qui, » répond-il avec sincérité dans un léger rire. « C'est plutôt moi qui devrais te dire ça, quoi que je suis pas un bon exemple. Apparemment, je cède vite aux demandes des gamins. » Il jette le coton imbibé de désinfectant puis se tourne vers le plus jeune. « Bon, on va rien faire de fou hein, ce serait bon ni pour toi ni pour moi. Tu vas juste lui faire une incision là, sur le flanc, mais pas plus de six centimètres. Tu t'en sens capable ? » lui demande-t-il en haussant un sourcil, le regardant avec une lueur de défi.

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Les deux garçons se ressemblent beaucoup. Ils ont des goûts particuliers, ils sont cyniques et surtout… ils sont bizarres. Andrés a beaucoup souffert de sa différence étant plus jeune, il se demande si c’est le cas de cet homme aussi. Les enfants, c’est un peu une sale race de manière générale alors il y a des chances.

"Thanatopracteur…" répète t-il pensivement. "Ton métier me semble logique"

Il n’y a pas pensé avant, à qui s’occupe de rendre un mort beau juste avant son enterrement. Certainement pas un légiste, et la famille n’est pas trop habilitée à ça non plus. Enfin, Monsieur Addams, ça va être difficile de le rendre beau si vous voulez son avis.

"Je me demande d’ailleurs si les morts passent forcément par un légiste. Il doit couter une blinde le mec. Ou alors est-ce que c’est toi qui es optionnel ? … ouais j’ai souvent une pensée pour la classe moyenne" qu’il ajoute avec sarcasme.

On dirait que c’est ironique et cynique, car ça se voit à ses fringues et ses manières de sans-gêne qu’il n’en fait pas partie. Cependant, il ne faut pas se fier à ses airs de mauvais garçon car ce qu’il dit est vrai. Son père est philanthrope et malgré tous ses défauts, Andy l’est aussi. En fait, Andrés est socialiste démocrate dans l’âme. Et s'il y a bien un truc qu'il déteste avec les Etats-Unis, c’est le système de santé. Comment un pays aussi développé peut-il laisser les gens mourir d’une tumeur sous prétexte que ces gens n’ont pas les moyens ? Personne ne devrait avoir peur de mourir d’une maladie dont le traitement existe juste parce qu’il n’a pas de thune.

Le garçon fait le chirurgien et l’homme joue le jeu en lui refilant l’outil à découper. Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre en fait. Andrés remarque au passage que Ozzy a la tête de quelqu’un qui peut facilement manipuler les autres et obtenir ce qu’il veut, mais le thanatopracteur n’est pas tant convaincu.

"C'est plutôt moi qui devrais te dire ça, quoi que je suis pas un bon exemple. Apparemment, je cède vite aux demandes des gamins" "Ça à la rigueur, ça prouve que tu as du cœur. Je pense que si tu es sceptique, c’est que tu n’as pas exploité toutes tes capacités"

Il ne lui précise pas qu’il peut notamment facilement amadouer les filles parce qu’il a un visage tirant sur l’enfantin. Cela peut être pris pour une insulte, ce n’est pas son intention. Il fait bien d’ailleurs. Comme il se comporte comme le garçon bien élevé qu’il n’est pas, Ozzy lui offre un grand privilège. Celui de découper du mort. Andrés n’a vu ça qu’à la télé !

"Bon, on va rien faire de fou hein, ce serait bon ni pour toi ni pour moi. Tu vas juste lui faire une incision là, sur le flanc, mais pas plus de six centimètres. Tu t'en sens capable ?"

Andrés lui fait un clin d’œil. Sa bouille d’ange n’est plus, il a juste l’air d’un ado imbu de lui-même. Ce qu’il est.

"T’inquiète, je gère" dit-il. C’est une phrase de Lucas.

Andrés a interprété que Ozzy parlait de six centimètres en longueur. Pour ce qui est de la profondeur, il y va au feeling et s’étonne du glissé du couteau.

"Oh ! Ça se coupe comme du beurre !" s’extasie t-il. Andrés s’applique. Il fait un tracé net de chirurgien. C’est agréable comme de percer les petits ronds des papiers à bulle. "Tu crois en Dieu, au paradis, ou à l’enfer toi ? Je suis curieux de savoir où va l’âme après la mort selon quelqu’un d’athée"

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Jamais il n'aurait cru qu'il puisse se trouver des points communs avec un plus jeune que lui. Andrés, il lui rappelle un peu lui-même quand il était gamin mais en une version beaucoup plus sociale. Ozzy aussi adorait fouiner partout, découvrir des choses qu'il n'était pas censé voir à son âge. Il aimait déjà les séries glauques, Dexter restant de loin sa préférée. Ça le fait doucement sourire, ça lui donne même envie de momentanément prendre ce petit ado sous son aile pour lui montrer les arts de son métier. Qui sait, peut-être qu'il sera assez intéressé que pour se lancer dans le métier plus tard, et peut-être même devenir son assistant. Bon, il n'est peut-être pas assez âgé que pour déjà avoir un job à mi-temps, mais qui sait dans deux ou trois ans. Ozzy pense à ça maintenant que la présence du jeune ne le dérange pas, mais cependant il n'est pas certain qu'il soit capable de supporter sa présence plus de huit heures par jour. C'est pas sa faute, c'est juste que l'allemand a toujours eu des problèmes au niveau des relations humaines sur le long terme. « T'es une des rares personnes à pas trouver ça dégueu, » dit-il en haussant les épaules, son sourire en coin persistant au fil de leur conversation. C'est sympa d'un coté, avoir en face de soit quelqu'un qui ne fronce pas les sourcils en entendant qu'il s'occupe de nettoyer les cadavres avant de leur refaire une beauté. « C'est souvent quand la mort est suspecte en fait, pour voir si ils peuvent pas retirer des infos genre empoisonnement, ou un légo qui se serait coincé dans ses intestins. Du coup c'est pas eux qui paient, mais pour ce qui est de ma case à moi, ça fait partie du lot pompes funèbres. Les gens qui ne savent pas payer, souvent, ils font ça cercueil fermé et c'est limite si ils écrivent pas sur une feuille de papier "ici repose Machin". » Il s'explique en préparant le nécessaire pour leur mini chirurgie, sans regarder le gamin. « C'est clair que ça coûte cher la mort, limite encore plus qu'être vivant. » Si ils veulent des bons services en tout cas, faut savoir mettre le prix dans ce qui est funérailles, pierre tombale et tout ça. Ozzy est un peu en dehors de tout, lui il est payé par les pompes funéraires et il fait son job sans faire chier qui que ce soit. En plus, il peut même faire ce dont il a envie vu que personne ne prend la peine d'ouvrir le cercueil plus bas qu'au niveau de la tête. C'est pour ça qu'il ose tendre son scalpel à celui qui se fait appeler Andrés. Maintenant qu'il connaît son prénom, il pourrait arrêter de le surnommer "le gamin". Sa façon de parler, son air si confiant, c'est marrant mais ça lui fait étrangement penser à Lucas Wilde. Si Ozzy savait que les deux étaient frères, ça le ferait bien marrer de voir à quel point le monde peut être petit. « J'espère que t'as l'estomac solide, » dit-il en riant avant de le regarder faire comme un prof jugeant les capacités de son élève. Il est presque fier Ozzy, c'est la première fois qu'il apprend quoi que ce soit à quelqu'un. « Ah ouais, fais gaffe à tes doigts ça coupe vachement ces trucs. » Ce serait gênant qu'ils se retrouvent avec une phalange à lui recoller. Après qu'Andrés n'ait ouvert Addams, Ozzy s'avance pour vérifier qu'il n'y ait pas trop de liquide qui sorte. Vu que le bonhomme est mort depuis un moment déjà, le sang déjà coagulé ne s'échappe qu'en un mince filet le long de la plaie. La question qu'Andrés pose surprend Ozzy qui hausse un sourcil sans pour autant le regarder. « Pas vraiment, non. Je crois surtout que si tu meurs, t'es mort et c'est tout. Je pense pas que les gens aient une âme, mais après c'est à chacun de penser ce qu'il veut. Et toi, t'y crois je suppose ? T'irais en enfer ou au paradis ? » Un sourire amusé étire ses lèvres. Si ce genre d'endroit existait, Ozzy serait très probablement expédié directement en enfer. Enfin ça dépend les conditions d'entrée, il n'a jamais tué quelqu'un si c'est la seule condition à remplir. « Moi aussi je suis intrigué par le point de vue des croyants. Comment tu peux savoir qu'un dieu existe au-dessus de nos têtes ? » demande-t-il en ouvrant plus la plaie de leur patient pour leur offrir un accès à ses entrailles.

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"T’es une des rares personnes à pas trouver ça dégueu" "T'es sûr ? Le fait d'avoir Trump en président, ça devrait faire relativiser pas mal de monde devant un cadavre en putréfaction, je trouve."

Le garçon l’écoute avec un silence religieux tandis que son comparse improvisé met en parallèle le métier du légiste ainsi que le sien. Il comprend mieux comment ça fonctionne maintenant. Le légiste est le luxe des services de police, et le thanatopracteur, le luxe des familles qui veulent un beau mort.

"Personnellement, si je meurs demain à quatorze ans, même avec une sépulture en or, ma vie aura coûté plus cher à mon père..." qu’il déclare avec un petit sourire cynique.

C'est ça d'avoir Seth Wilde en paternel. Andrés dépense des sommes astronomiques avec sa carte de crédit, qu’il lui chipe occasionnellement.

Le chenapan exécute une belle ouverture sur le corps gras de Monsieur Addams, dont la mort ne semble lui avoir fait bénéficier d’aucun régime. Ozzy peut donc constater qu’Andrés a le ventre solide. Après sa besogne, l’adulte vérifie la plaie et comme il ne dit rien, le garçon interprète qu’il a fait du bon travail. Il profite du silence pour laisser parler sa curiosité, tout en reposant son scalpel. L’homme ne croit même pas en l’existence de l’âme, c’est-à-dire qu’il est dans le haut niveau de l’athéisme. Il y en a certains qui ne croient pas en Dieu mais qui considèrent que l’âme retourne à la terre : la théorie de Mufasa dans le roi Lion, quoi. Si l’on en croit Spinoza qui disait que Dieu est dans la nature, cela signifie que Mufasa et son clan de penseurs ne sont peut-être pas si athées que ça toutefois.

Quand le plus âgé lui retourne la politesse et lui demande s’il ira au paradis ou en enfer plus tard, ça le fait déglutir un peu difficilement.

"Disons que j’compte beaucoup sur la miséricorde de Dieu… Encore que moi j’ai de la chance, je suis chrétien par influence. Avec cette religion, tu te confesses et c’est réglé. Les juifs et les musulmans, c’est tout un bordel qu’ils doivent faire pour aller au paradis. Je pense qu’ils essaient de prendre un max de précautions pour s’assurer une place, c’est tout à leur honneur"

"Moi aussi je suis intrigué par le point de vue des croyants. Comment tu peux savoir qu'un dieu existe au-dessus de nos têtes ?"

"Personne ne peut le savoir, c’est pour cela qu’on parle de croyance” chipote le brun. “Moi je trouve que la nature, et que le corps humain, sont trop bien faits pour que cela relève du hasard. La vie qui apparaît après un Big Bang ? Ça me semble presque aussi invraisemblable que de voir Britney Spears en prix Nobel des mathématiques."

Tout en parlant, le garçon tripote les outils du thanatopracteur et les analyse sous différentes coutures. C’est un touche-à-tout. En plus d’être kleptomane. Il y a de fortes chances qu’il ressorte d’ici avec un ou deux artefacts dans sa poche d’ailleurs.

“À l’époque, les gars comme Moïse ou Jésus racolaient des gens à coup de miracles. On n’a plus ça aujourd’hui, mais c'est comme s'ils ont laissé des indices. La Genèse 7-11 dit, en parlant du déluge, que “toutes les sources du grand abîme jaillirent". Même l'Exode parle d’une “eau plus bas que la terre”. Or on a découvert récemment qu'il y a bien une quantité énorme d'eau sous la surface de la Terre" Les types n’avaient pas de foreuse en l’an cent. "En plus, autrefois, les scientifiques disaient que la terre était plate. Or dans Job 26-7 de l'Ancien Testament, il est écrit que la terre est suspendue dans le vide et dans Esaïe 40-22, que c'est une sphère”

Plutôt clairvoyant, les religieux ! Le garçon se tait en réalisant qu’il est parti très loin avec sa connaissance pointue des textes saints. Ça a de quoi faire convulser plus d’un athée. En tout cas, Ozzy peut s’estimer heureux, car le jeune homme est loin d’avoir cité tous les indices qu’il a relevés.

“Ma voisine m’avait appris à lire avec la Bible…” explique t-il avec une petite moue boudeuse. À chaque fois qu'il démontre une connaissance abondante sur certains sujets, Andy se justifie comme si ça fait de lui un monstre de savoir beaucoup de chose. C'est un monstre, mais certainement pas à cause de ça... "Il n’y a pas d’extrémistes religieux dans ma famille, t’en fais pas. Je sais que mon père et mon frère Lucas sont plus ou moins croyants, mais je ne sais pas pour le reste."

Andrés ne jure que par Lucas de toute façon.

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À la réflexion d'Andrés, Ozzy esquisse un sourire amusé. C'est qu'il marque un point, mais ça l'étonne de l'entendre dire ça parce que lui, quand il était un jeune ado, il n'en avait clairement rien à caler de la politique. En fait, encore aujourd'hui il n'en a strictement rien à faire, tant qu'on le laisse tranquille. « C'est son cadavre à lui qu'on veut voir en putréfaction, je pourrais même garder sa moumoute comme un objet de collection mis bien évidence dans cette pièce. » Son sourire s'élargit un peu plus alors qu'il imagine la masse de cheveux blonds posée sur une tête de mannequin entre les tiroirs. Oz' apprend ensuite que la vie d'Andrés aura coûté cher à son père. Tout le monde n'a pas les mêmes avantages, sa vie à lui n'aura très probablement pas fait un trou immense dans le porte-feuille de son père. « Argent ou pas, tu finirais quand même dans le même état que n'importe qui, » dit-il en haussant les épaules. Ce n'est pas son argent qui va l'empêcher de mourir un jour, ou qui permettra à sa chair de ne pas totalement se décomposer jusqu'à se détacher de son squelette. Aorès avoir pris toutes les précautions possibles, ils se mettent au travail et commencent à trifouiller dans le corps d'Addams juste pour le plaisir. Heureusement qu'il est mort et qu'il ne sent donc plus rien, ça ne doit clairement pas être agréable d'avoir 4 mains dans son flan gauche. Ça commence à parler Dieu, paradis et tout ce bordel auquel Ozzy n'a jamais cru. Lui, il part du principe que si il y avait vraiment une puissance au-dessus d'eux, il n'y aurait pas toutes les merdes qui peuplent actuellement la Terre. Pas de maladies incurables, ou même de plantes vénéneuses. Il aime bien la façon dont Andrés voit les chances, il est bien content que le gamin ne soit pas un fervent défenseur de Dieu qui cherchera à le convertir à tout prix. « Perso, si y avait vraiment tout ça, le paradis et l'enfer je veux dire, je crois que ce serait un peu foutu pour moi. » Il rit légèrement, son attention toujours focalisée sur son travail. C'est qu'il en a fait des conneries Ozzy, et pas qu'un peu. Il les enchaîne, ne prend même pas la peine de jurer qu'il ne recommencera pas parce que n'importe qui pourrait comprendre que ce serait des paroles en l'air. La remarque sur Britney le fait hausser un sourcil. « C'est juste l'évolution t'sais, un truc scientifique. Le singe qui s'est développé sur des siècles et des siècles en s'adaptant à chaque fois un peu plus en fonction des obstacles qu'il rencontre. » Parce qu'Ozzy, il est clairement team science et ça personne ne pourra le faire changer d'avis. En même temps, il n'a pas entamé des études de médecine pour rien, c'est que ça l'a toujours fasciné les subtilités du corps humain. Andrés reprend la parole et se lance dans un monologue qui paraît interminable. Pendant ce temps, Ozzy travaille. Il a tout le matos qu'il faut pour recoudre la plaie entre les mains mais par mesure de précaution, il désinfecte tout avant de fermer. « Tu m'as perdu à Moïse ou Jesus. » Pourtant, il l'a lue la Bible. Sa mère étant une grande croyante, elle avait laissé derrière elle tout ce qui touchait à la religion et c'est avec ses bouquins que Ozzy se divertissait quand il était gamin. Par contre, la dernière remarque d'Andrés le fait tiquer. « T'as un frère qui s'appelle Lucas ? » Encore une fois, il hausse un sourcil. « Parce que c'est marrant mais plus tu parles, plus tu me fais penser à un Lucas que je connais. » C'est peut-être du hasard, qui sait. Vu qu'il n'y avait rien à signaler dans le corps d'Addams, Ozzy a commencé à refermer la plaie et il s'interrompt à mi-chemin. « Tu veux finir ? »

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"C'est son cadavre à lui qu'on veut voir en putréfaction, je pourrais même garder sa moumoute comme un objet de collection mis bien évidence dans cette pièce" "C’est vrai qu’avec ton métier, t’aurais en plus la malchance de le voir au naturel ! Paraît qu’il dépense en moyenne dix milles balles par mois en maquillage. Tout ça pour qu’on voit toujours à deux kilomètres qu’il a une tête d’enculé"

Tonton Farell le frapperait s’il l’entendait parler comme ça. Heureusement qu’Andrés vit à New York la plupart du temps, loin de lui, sinon il se prendrait tellement de coups de pied au cul qu’il chierait des merdes avec des empreintes de pas.

"Argent ou pas, tu finirais quand même dans le même état que n'importe qui" "Probablement, mais tu sais que Google investit des millions dans la recherche sur l’immortalité ? … J’espère que ma tante ne l’apprendra jamais, c’est pas une info qu’il convient de dire à n’importe qui. C’est important la mort, il faut garder la mort. J’ai pas envie de me réveiller un matin en me disant que mes emmerdes sont éternelles, et que ma tante aussi."

Quoique, avoir Marlon ou Farell derrière son cul pour le reste de sa vie lui ferait un peu peur aussi.

"Perso, si y avait vraiment tout ça, le paradis et l'enfer je veux dire, je crois que ce serait un peu foutu pour moi." "Je crois que l’absence de foi te place encore plus bas que moi dans les étages de l’enfer" approuve Andrés avec une petite moue un peu navrée.

Ozzy ne croit pas à ces histoires de premier homme, d’Adam et Eve, lui il est plutôt Darwiniste. Toutefois, entendre que l’homme descend du singe en 2018, ça fait un peu grimacer Andrés. Le contraire a été démontré il y a un bon paquet d'années déjà.

"Je vois que tu passais la majeure partie de ton temps à dormir dans tes cours de Science et Vie..." ironise alors le garçon.

Andrés est très curieux, il s’intéresse à tout. Ce n’est pas exactement le cas de son interlocuteur qui, en plus de ne pas manifester d’intérêt pour les sciences, en manifeste d’autant moins pour la religion. La religion est pour certains du surnaturel. Qui se désintéresse du surnaturel ? En tout cas, vu sa remarque sur l’homme qui descend du singe, Andy n’est pas si surpris de l’avoir perdu en cours de route. Avoir son attention tout du long aurait laissé Andrés aussi sceptique et dubitatif qu’un sourd qui installe une alarme incendie chez lui.

"C’était à prévoir" le pardonne t-il.

L’incident est d’autant plus oublié à la remarque sur une certaine ressemblance que l’homme lui trouve avec son grand frère. Les grands yeux de chaton d’Andy s’illuminent d’espoir.

"Tu trouves que je ressemble à Lucas ?"qu'il insiste. Un petit sourire content aux lèvres, Andrés hausse les épaules. Normalement il est très arrogant, mais quand il est question de son frère adoré, c’est comme s’il connaît l’humilité. "Personne ne l’égale. C’est le Christophe Colomb de la connerie, il découvre toujours de nouveaux rivages. Sa chaîne Youtube est une œuvre d’art… comment tu le connais ?"

Andrés trouve ça gratifiant que l’une des rares personnes qui le supporte soit un ami de Lucas. Ozzy est même sympa avec lui. Le brun hoche vigoureusement la tête quand il lui propose de terminer de fermer la plaie. Le visage proche du bourrelet blafard du cadavre, Andrés s’applique dûment à la tâche en plantant l’aiguille proche de la ligne pour essayer de faire un travail soigné. Même s’il est normal d’être plus négligent sur un corps mort que sur un vivant, il sait que son partenaire improvisé est devenu habile à force, faudrait pas que le travail ressemble à ce qu’un gosse de quatorze ans ferait… Arrivé en bout, le garçon rencontre une petite difficulté. Il se redresse et fait un pas de côté en relevant le visage vers Ozzy.

"Je ne sais pas faire un nœud..."

Il lui laisse achever le travail et lui pique un peu de désinfectant qu’il frotte entre ses mains. Comme sa prestation est finie, il est temps de laisser bosser le thanatopracteur.

"Merci pour les travaux pratiques… je compte sur toi pour le vinyle hein ?" ajoute t-il avec une petite bouille de chaton.

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Ce n'est plus un sourire qu'Andrés arrive à déclencher chez Ozzy, mais carrément un rire franc et sincère. Il s'est toujours douté qu'un être humain ne pouvait pas être naturellement aussi orange, mais il avait toujours eu du mal à être convaincu qu'on puisse intentionnellement vouloir d'une gueule pareille. « Je vais pas dire que je prendrais du plaisir à enfin pouvoir lui rendre la monnaie de sa pièce, tu vas finir par me prendre pour un vrai psychopathe. » Un peu comme Dexter si on revient sur leur passion commune. Ozzy n'a pas vraiment le choix au fond, ce n'est pas comme si il avait choisi ce métier par passion. Puis ça dérive sur l'argent, un point qui les oppose totalement Ozzy et Andrés. « Et vieillir non stop jusqu'à avoir quoi, 200 ans ? Quelle horreur, qui voudrait passer toute sa vie à être un vieillard ? » Pas lui en tout cas. Oz, il va sûrement finir par mourir jeune tellement il joue avec sa vie. Il se voit mal tout vieux, tout faible, il laisse ça à ceux qui ont de l'avenir devant eux. Andrés finit par confirmer qu'effectivement, il va probablement finir par aller bien bas en enfer en plus de mourir jeune. Ozzy hausse les épaules parce que tant pis, il accepte sa destiné. Peut-être que ça pourrait le chambouler un peu plus si il croyait à toutes ces choses-là. « Ça peut pas être siiii terrible, puis j'ai encore du temps pour me racheter et monter quelques étages même si je resterai toujours en bas ! » Si l'Enfer existe, à quoi ça ressemble ? Il imagine des petits lutins diaboliques qui torturent les gens même si, pour lui, l'Enfer correspondrait plus à une allée de magasin infinie où serait diffusé en boucle les chansons des Backstreet Boys. Guilty. Non Ozzy n'est pas une lumière quand il s'agit de tout ce qui touche à ce qu'on lui a appris en cours. Ce n'est pas vraiment ça qui le passionne, sa mémoire a délibérément sélectionné des infos plus intéressantes que d'où vient l'Homme, comment a-t-il créé. Comment ça il vient pas des singes ? Mais alors d'où, il est pas tombé du ciel non plus. « T'es sur mon territoire ici alors interdiction de me juger, il n'y a que moi qui peux juger les autres. » C'est qu'il se vexe vite l'allemand, surtout quand on en vient à le sous-estimer. Et de plus en plus, Ozzy en vient à lui trouver des ressembles avec Lucas. Il apprend que les deux frères et au fond, ça ne l'étonne même pas. Ils ont la même tendance à parler sans arrêt, à se vanter tout en gonflant le torse. Si Andrés n'était pas son frère, Ozzy aurait même pu parier que c'était son gamin. « Sa chaîne Youtube ? » qu'il demande en haussant les sourcils. Il devrait farfouiller Internet ce soir, il est certain qu'il pourrait y trouver quelque chose d'intéressant. Quand Andrés demande comment ils se connaissent, Ozzy reste un moment silencieux. Comment dire les choses sans que ça ne perturbe le gamin ? « Dans un bar, » dit-il simplement, et c'est la vérité. Disons juste qu'Ozzy va garder la grande majorité des infos sous silence, vaut mieux. Même si Andrés parle beaucoup, ça l'amuse d'avoir un petit apprenti à ses cotés. Puis c'est qu'il ne travaille pas si mal que ça en plus, ça pourrait presque pousser Oz à accepter sa présence plus fréquemment. Mais pas trop souvent non plus, faudrait pas exagérer. « Si ça peut te rassurer, il m'a fallu un an de métier avant de savoir le faire sans qu'il finisse par lâcher. » Sur ces mots, il récupère ses instruments des mains d'Andrés et s'applique à faire un noeud parfait. Une fois terminé, il se débarrasse de ses gants qu'il jette dans une poubelle. Andrés est prêt à s'en aller et Ozzy, paré à continuer son job dans le silence le plus total. Ça changera. « Tu peux, j'essayerai de pas oublier. » Il sourit, amusé, et le regarde s'éloigner avant de remballer Mr. Addams.